Un récent article sur une nouvelle agence de mannequin à Londres spécialisée dans les modèles aux formes généreuses me fait réagir sur cette magnifique hypocrisie qui règne dans le domaine de la mode.
Article originellement publié en octobre 2012
Depuis au moins 2 ans, on entend de plus en plus de créateurs, éditeurs, publicitaires et association de consommateurs se plaindre des mannequins trop maigres dans la mode et par conséquences, de plus en plus de buzz autour des mannequins ayant de belles formes.
Avant, c’était des pro-Ana
Il y a pas moins de 10 ans de cela, les mannequins que l’on voyait défilé sur les podiums et dans les publicités de grandes marques étaient squelettiques et on s’inquiétait plus pour leur santé que l’on ne s’intéressait à la marque.
En 2006, plusieurs mannequins décèdent suite à un défilé de mode d’épuisement, trop maigres et sous alimentées. La jeune Ana Carolina Reston, avait seulement 21 ans quand elle est décédée d’anorexie, ne faisant plus que 40kg pour 1m74.
Son décès a aussi permis à de nombreuses jeunes filles souffrant aussi d’anorexie de sortir du silence en dévoilant sur des blogs leurs quotidien ou avouant carrément suivre les commandements pro-Ana pour toujours être plus maigre.
Un tel drame a soulevé des questions dans les différentes sociétés et, en France, plusieurs députés ont tenté de faire passer des lois pour interdire la propagation de tels messages et blogs sur Internet. Aucunes des lois proposées n’ont aboutit, laissant alors les professionnels de la santé se débrouiller avec ce gros problème.
La santé des mannequins est particulièrement inquiétante, souvent sous alimentées, elles mangent le moins possible pour répondre aux standards de beauté imposés par les créateurs, les agences de mannequins et les publicitaires.
Une étude faites sur 10 mannequins d’une agence parisienne montraient que toutes avaient un IMC en dessous de 18, interdit par les nouvelles règlementations de l’OMS.
L’Organisation Mondiale de la Santé désigne même que toute personne en dessous d’un IMC de 16, est en état de famine, et pour vous donner un aperçu des dégâts, Ana, lorsqu’elle est décédée avait un IMC de 13 ,4…
Un sous poids entraine aussi des règles irrégulières et une fragilité de santé incroyable. Si bien qu’une moindre infection peut potentiellement être fatal, comme ce l’a été pour Ana Carolina Reston.
Les agences de mannequins se fichent complètement du poids des filles, ni de leur âge et ne leur font jamais passer des tests. Ils n’hésitent pas à faire tricher leurs membres si besoin est. Ainsi, Agyness Deyn reconnaît avoir mentit sur son âge quand elle a débuté et s’est rajeunit de 6 ans alors qu’elle n’avait que 18 ans à l’époque, mais elle était déjà « trop vieille » pour le milieu du mannequinat.
Certains mannequins avouent que lorsqu’elles sont obligées de passer des tests de santé, les agences leurs font porter des soutiens gorges et des ceintures en plomb pour gagner quelques grammes…
Une mannequin explique sa situation et dénonce les créateurs qui proposent des vêtements toujours plus petit aux mannequins qui doivent paraître donc encore plus maigre pour rentrer dedans.
Ces jeunes femmes ne doivent alors qu’être des porte manteaux pour le fringue qui est mieux mit en valeur sur un corps frêle… Karl Lagerfeld s’était d’ailleurs illustré en commentant lors d’un défilé « Personne ne veut voir des femmes avec des formes. Vous avez des mères assises devant la télé avec un paquet de chips qui disent que les mannequins minces sont horribles. »
Et dans la même lignée : « Les anorexiques ne sont pas maigres parce qu’elles veulent être mannequins elles ont surement des problèmes familiaux ou ont souffert de traumatismes. Je n’aime que les choses que je suis autorisé à manger, donc ce n’est pas comme si je devais éviter des choses pour perdre du poids. »
Il y a t-il vraiment une lutte contre l’anorexie dans la mode ?
En 2007 et de nouveau en juin 2012, Jonathan Newhouse, PDG du groupe CondéNast qui détient les publications Vogue, Glamour, GQ et Vanity Fair a crée un pacte signé par les 19 rédactrices en chef des éditions Vogue partout dans le monde.
Ce pacte, le Health Initiave se veut une charte de bonne conduite pour les rédactrices afin de seulement mettre en avant des mannequins en bonne santé : « Vogue estime que la beauté commence par une bonne santé. Les rédactrices en chef des Vogue du monde entier veulent que leurs magazines reflètent une image de bien-être, notamment à travers la santé des mannequins qui les illustrent. »
En revanche, les autres magasines du groupe n’ont pas ce traitement de faveur et peuvent toujours se faire la folie de présenter des mannequins anorexiques ou des pré-adolescentes.
Néanmoins, il est bon de voir que des efforts sont faits de la part de ceux qui dicte de la mode dans le monde.
D’ailleurs, Alexandra Shulman, rédactrice en chef de Vogue UK a rédigé une lettre ouverte aux grands créateurs comme Karl Lagerfeld, John Galliano, Prada, Versace ou encore Yves Saint Laurent et Balenciaga :
« Depuis que je suis chez Vogue, la taille des vêtements que les mannequins doivent porter est devenue considérablement plus petite. Nous en sommes arrivés à un point où la taille des vêtements ne convient même plus aux mannequins vedettes ». » Nous devons faire appel à des jeunes filles au squelette proéminent, sans poitrine ni hanches, pour entrer dedans. De nos jours, je demande fréquemment aux photographes de retoucher (les clichés) pour que les mannequins paraissent plus charnus ». Elle ajoute aussi: « Je dois souvent publier des photos de visages en couverture, plutôt que des photos où l’on voit les vêtements, parce que mon lectorat est mal à l’aise face à la taille des mannequins lorsqu’ils sont vus en pied »

Ce premier mouvement a aussi incité d’autres acteurs de la mode à agir de la sorte. Ainsi, les grands réseaux sociaux animés par des femmes tels que Tumblr et Pinterestont aussi vu leur politique se durcir quant à la propagation d’image de jeunes filles trop maigres pour être en bonne santé.
Les deux réseaux sociaux sont partis à la chasse des photos ou le tag #thinspo ou #thinspiration apparaissait. Ces jeunes femmes faisant un culte de la maigreur se mettaient en danger et pouvait enduire d’autres jeunes filles fragiles dans la tourmente des troubles alimentaires.
Bien que cette action ait été efficace, il persiste encore des images de la sorte sur ces deux sites, montrant aussi que le problème est vraiment ancrée dans notre culture.
Je vous parlais il y a quelques jours du business des sœurs Kardashian, ces jeunes femmes aussi connues pour leurs formes généreuses et sensuelles. Ces dernières, pour le bien d’une campagne de promotion de leur ligne de jean ont fait appel aux femmes du monde entier ayant des belles formes là ou il faut pour apparaître dans les campagnes publicitaires de ces jeans. Il était seulement demandé à ces femmes d’écrire une lettre expliquant ce que avoir des formes et avoir confiance en soi représentait pour elles.
Au delà de la presse et des réseaux sociaux, les pouvoirs publics essaient de faire quelque chose. Je l’ai dit plus haut, deux députés avaient déjà tenté de faire voter des lois pour bannir la promotion de tels comportements alimentaires mais en vain.
Cependant, en 2006 déjà, le ministère de la Santé avait imposé aux publicitaires des images du corps en bonne santé. Ils ont alors lancé une charte auprès des agences « pour le recours à des mannequins de corpulence ne promouvant pas la maigreur. »
«Il s’agit de réunir tous les professionnels pour ouvrir un vrai débat. L’interdiction pure et simple des mannequins maigres ne résoudra pas le problème.» Reconnaît alors le porte-parole du ministère.
La même année, la Fashion Week de Madrid avait refusé 5 mannequins de défiler car elles étaient trop maigres. Coup dur pour les agences et les créateurs mais bombe médiatique dans le domaine qui a fait réagir les gouvernements et les consommateurs.
En Angleterre, c’est l’ancienne ministre de la Culture, Tessa Jowell, qui avait demandé aux créateurs britanniques de ne pas travailler avec des jeunes filles trop maigres : «le culte de la maigreur excessive véhiculé par l’industrie de la mode est très néfaste pour la santé des jeunes filles et la représentation qu’elles ont d’elles-mêmes. »

Les autorités françaises rappellent aussi qu’en France, 1 à 3,5% des jeunes filles souffrent d’anorexie. Malheureusement, 10% d’entres elles décèdent chaque année de la maladie.
Un des conseillers du groupe LVMH, Jean Jacques Picart rejette aussi la faute sur les créateurs, responsables de ce malaise générale dans le domaine de la mode : « Ce sont les couturiers qui sont les maîtres absolus des tendances. Or les dangers pour les adolescentes, ils s’en foutent ! Leur unique but est de valoriser leurs créations. »
Pourtant, il y a quelques exceptions, comme Jean Paul Gaultier qui n’a pas attendu que l’on fasse tout un scandale sur le poids des mannequins pour faire défiler des filles bien dans leur masse corporelle lors des présentations de ses collections. D’ailleurs, il a même fait défiler la chanteuse Beth Ditto du groupe Gossip, connu pour son talent et sa silhouette très inhabituel des pop stars américaines.
Cet automne, c’est la maison Lanvin qui surprend et propose une campagne avec des personnes belles mais pas forcément répondant aux critères de la mode auxquels on a l’habitude. « No models allowed » met en avant des personnes ressemblant à Monsieur et Madame Tout Le Monde mais surtout ayant une histoire a raconté. Mais bon, ils sont quand même tous beaux à voir… En fait, c’est pas vraiment les mêmes monsieur et madame Tout le monde du bled d’où je viens…

A croire que tout ce buzz autour de la santé des mannequins n’a pas convaincu Angelica Cheung, rédactrice en chef du Vogue China, qui pour son édition du mois d’août a travaillé avec une jeune fille qui ne respectait pas les critères du Health initiative, pourtant signé 3 mois plus tôt.
Pour l’un de ses shooting, la mannequin Ondria Hardin, tout juste âgée de 16 ans selon son agence, pose pour le magasine chinois. Quand on leur pose des questions sur son âge, la jeune fille refuse de donner sa date de naissance exacte et l’agence assure qu’en aout, elle avait bien 16 ans. Et lors du shooting quelques mois plus tôt ?…
La mode des mannequins en pleine forme !
Des fois j’ai l’impression que lorsqu’on touche un extrême, on n’arrive pas à retrouver un juste milieu et allons chercher à l’autre extrémité. Et en ce moment, j’ai l’impression que c’est ce qui ce passe avec la mode.
Depuis tous ces scandales de mannequins trop maigres et en mauvaise santé, on voit de plus en plus d’articles de mode sur les femmes rondes.

Tant mieux me direz vous, et je serai alors tout a fait d’accord avec vous.
Cependant ce qui me gène vraiment, c’est cette honteuse hypocrisie des acteurs de la mode : pour moi, il est clair et net qu’ils ne font que surfer sur la tendance des mannequins curvy comme on les appelle pour rester politiquement correct.
Quasiment tous les magasines féminins de France ont eu leur petit dossier spéciales formes, voire même une couverture avec une mannequin + size. A croire qu’il n’existe pas vraiment de vocabulaire français adapté aux femmes ayant des formes.
D’ailleurs, il n’est pas étonnant de trouver dans ces magazines spéciaux des publicités très ciblées du genre culotte amnistiante et crème anti cellulite… Le hasard dans le marketing ça n’existe pas.
Néanmoins on découvre des nouveaux noms, des nouveaux visages et des nouvelles formes : Tara Lynn Wilson, Crystal Renn, Clémentine Desseaux, Laura Catterall. Toutes des nanas super belles, glamour et sexy, même avec les kilos en trop que dénoncent les créateurs.
Les choses vont encore plus loin quand une agence de mannequin + Size ouvre à Londres ou l’on y retrouve notamment Leyanne, 24 ans, taille 40, la sœur de la chanteuse Alesha Dixon du tube The boy does nothing.
Ces jeunes femmes sont appelés à participer à des campagnes publicitaires pour des collections de vêtements taille 42 et plus, et mettre en avant des marques qui créent la mode pour toutes les femmes, toutes les tailles.

En Angleterre, je trouve qu’il y a déjà beaucoup d’effort fait de la part des enseignes de prêt à porter pour fournir aux femmes toute une collection allant de la taille 32 au 52. En France, je pense moins. Ce qui est regrettable, sachant que 30% des françaises font du 40-42.
En France, Promod vient de lancer une nouvelle ligne allant jusqu’au 48, mais, dans sa promotion, présente les vêtements sur des mannequins taille standart. Comprenez alors que ces vêtements pourront aussi être porté sur des femmes allant de la taille 42 à 48. Une bien délicate attention…
Et pour vous convaincre que tout cela n’est qu’une jolie mascarade marketing, devinez qui s’est aussi mit aux mannequins rondes ?
Karl Lagerfeld, lui qui pourtant est si fier de son régime drastique et préfère les mannequins maigre comme des clous. Néanmoins, il n’a pas choisi n’importe qui pour la campagne publicitaire de l’ouverture d’une nouvelle boutique Chanel dans le quartier branché de Soho à New York, la belle et très populaire Crystal Renn.
Il a même eu l’occasion de faire défiler cette belle femme lors d’un mini défilé à Saint Tropez. Lui qui pourtant n’est pas le premier à critiquer sur les femmes rondes…

Dieu merci, il y a des personnes qui savent aussi surfer intelligemment sur la vague et propose des projets audacieux mais sincère : Anaïs Seyo, blogueuse mode sur Curvy Stylish Girl s’est lancé en septembre dernier avec son magazine Curvista, dédiée à la mode, la beauté pour les femmes avec des formes, rondes, pulpeuses et généreuses.
Son but elle l’explique est de « déculpabiliser les femmes rondes et de glamouriser leur image, sans pour autant faire l’apologie de l’obésité. »
Pour compléter cet article, elle nous parle de son magazine et de son point de vue sur la mode pour femmes pulpeuses en France et dans le milieu de la mode.
La bonne chose dans tout cela, c’est que l’on vit une période charnière où les mannequins trop maigres deviennent appartiennent au passé pour laisser place à des jeunes femmes, belles, heureuses et en pleine forme, physique et mentale !
Même si je pense qu’il persiste une belle hypocrisie dans le monde de la mode, l’impact sur les jeunes femmes et la société est bénéfique, l’idée restant qu’une femme se sente bien, belle et heureuse qu’importe sa taille, son poids, son physique.
Depuis quelques années, nous cherchons à changer les diktats de la beauté, en espérant que l’on y voit des résultats rapidement.
« Changer la vision de la société ne se fera pas en une nuit, mais nous avons tous notre part de responsabilité. Sache apprécier le fait que tu sois unique, et aime ton corps ! » Katya Zharkova.