Textile « Made In France »… Enfin presque !

Après le tapage médiatique provoqué par les différents candidats à la présidentielle en début d’année, il était finalement intéressant d’en apprendre plus sur la fabrication de textile en France. Notre pays jouissant d’une réputation internationale pour son savoir faire, qu’en est-il vraiment de cette culture de la mode et le luxe en France en 2012 ?

Made In France, sérieux ?

Et quand on lit les articles publiés par différents journaux de différents bords politiques, on en apprend de bien belles sur le véritable « Made In France ». En fait, je pense que ce qui résume le mieux la production de textile français aujourd’hui est le titre de l’émission diffusée sur France 5, fin mai « Made In France : La grande illusion ».

Illusion pour les consommateurs Français et étrangers et pour l’industrie française. Si aujourd’hui en France 200 000 ouvriers travaillent tous les jours dans l’industrie du textile, très peu produisent à 100% les produits qui sortiront de l’usine. En vrai, la plupart des produits libellés « fabriqué en France » ont été seulement assemblés dans notre pays, les pièces principales ayant été travaillées chez des sous-traitants dans des pays en voie de développement, Asie, Maghreb, Europe de l’est et Tunisie.

Le problème est qu’il n’existe aucune loi obligeant la précision de l’origine du produit. De ce fait, tu peux produire tous les vêtements que tu veux dans un autre pays, rajouter des boutons, des paillettes ou lacets depuis ta boutique en France et labelliser ton vêtement « Made In France ».

Pour les produits textiles en coton la loi dit: « Fabrication à partir de coton brut dont la valeur n’excède pas 50% du prix départ usine » autrement dit pour que le produit porte la mention « Made in France » ou une mention synonyme, le coût de la fabrication réalisée en France doit correspondre à au moins 50% du prix au départ de l’usine.

Et ainsi, débute la grande illusion : Toutes les marques de luxe du Groupe LVMH produisent une partie de leurs collections dans des usines en Chine ou en Europe de l’est, assurant toutefois un produit toujours d’aussi bonne qualité mais dont les coûts de fabrication ont été réduits par deux voire par vingt si fabriqué en Chine. En attendant, en magasin, tu payeras le même prix que quand c’était fabriqué intégralement en France.

Givenchy a délocalisé ses usines en Roumanie où les coûts de fabrication sont forcément moins élevés qu’en France, mais le prix en magasin est toujours le même, et la qualité aussi.

Un savoir faire français qui s’apprend bien au delà de nos frontières finalement…

Acheter français, un acte citoyen

Du coup, cette histoire du Made In France/Acheter français a été un sacré argument dans cette campagne électorale.  François Bayrou parlait d’acheter français comme un acte citoyen.  D’un autre bord politique, Nicolas Sarkozy, alors Président de la République expliquait « Notre politique, c’est d’encourager les entreprises à produire en France, qu’elles soient françaises ou étrangèresLa question stratégique, la question essentielle, c’est de garder la France comme terre de production. » Une production sur les terres françaises qui semble être importante pour la famille Sarkozy, car il y a encore quelques mois, Guillaume Sarkozy, frère de Nicolas, était président de l’Union des industries textiles.

Notre article sur :  Fashion Week: La taille des mannequins, un problème de poids.

Le problème soulevé par Monsieur Sarkozy est que, même si on veut acheter français, rien ne nous dit que le produit a été produit en France. C’est d’ailleurs un peu le vrai problème des marques françaises, c’est qu’elles produisent à l’étranger, comme tout le monde. Ainsi, moins de 5% des produits textiles achetés en France ont été produits dans l’Hexagone selon le ministère de l’Economie.

Et dans les nombreux articles que j’ai pu lire, certains vantaient les mérites d’enseignes qui produisaient toujours en France comme Repetto, Agnès B, Comptoir des cotonniers, Gerard Darel, Vuitton, Lacoste, Petit bateau, Dim. Mais dans le fond, quand on y regarde de plus près, il y a toujours une partie de la production faite à l’étranger.

Les ballerines Repetto sont toujours toutes faites en France, à 100% mais ce n’est pas le cas des autres produits de la marque. Parfois, c’est en tombant sur le site de l’industriel au Maroc où ils présentent leurs activités en citant les grandes marques françaises comme exemple de client prestigieux…

D’ailleurs, ainsi, on peut faire un lien avec le marché de la contrefaçon : si on trouve de plus en plus de faux sacs à main Vuitton ou Prada, c’est surtout que les usines en Chine qui produisent les originaux ont les bons patrons pour créer des contrefaçons. Pour la petite histoire, Nike avait fait appel à deux usines dans deux pays différents pour la confection de ses baskets, une la chaussure droite, et l’autre la gauche. Ainsi, aucun risque que les usines créent des contrefaçons, n’ayant pas le moule pour confectionner une contrefaçon de la paire complète…

À ce propos, le Made In Italy n’a plus si bonne réputation depuis qu’on l’on a découvert des usines clandestines tenues par des chinois immigrés à Prato ou dans d’autres villes du nord du pays. Un sous-traitant italien sous traite lui même des ateliers low-cost de la région où des Chinois y travaillent pour 20€ par jour et y confectionnent des sacs pour Versace ou Prada à moindre coût mais vendu 3000€ en magasin. Ces sites clandestins attirent les foudres de la garde financière italienne qui intervient : « Ne me demandez pas de noms, mais sachez que ces ateliers chinois fabriquaient à la fois pour de vraies marques et pour le marché de la contrefaçon! » explique Roberto Lauretta, capitaine de la bridage d’Empoli. On appelle cela le made in Chinitaly

Et pour en finir avec la contrefaçon, 90% des faux saisis en Europe viennent d’Asie. Coïncidence ? Je ne pense pas.

Produire en France : comment réussir ?

Au final, il existe quand même quelques enseignes qui produisent intégralement en France et dont les matières premières sont aussi françaises. Probablement la plus connue : Armor Lux, cette entreprise bretonne qui à produit 17 000 t-shirts de campagne électoral pour les Jeunes Pop, l’UMP et le Modem. En fait, si cette enseigne a pu résister au temps et aux différentes crises, c’est qu’elle a orienté son activité sur les tenues de travail. Ainsi, elle créer des vêtements 100% made in France pour La Poste, Aéroports de Paris et la SNCF.

Notre article sur :  Quelle est l'influence des blogueuses mode ?

C’est d’ailleurs la seule façon pour une enseigne de survivre avec une production entièrement française. Focaliser son activité pour une niche et vendre « le savoir faire français » à l’étranger. Le marché français du textile est soumis à une telle concurrence que le seul « made in France » n’est pas un argument de vente suffisant. Ni l’acte citoyen d’ailleurs… De plus, lors d’un sondage sur le sujet, on apprend que les Français seraient prêts à payer 5 à 10% plus cher un produit 100% fabriqué dans notre beau pays.

Yves Jégo, député radical avait proposé en 2010 le label Origine France garanti pour informer clairement le consommateur sur l’origine de son produit. Mais peu s’y intéressent, n’y voyant pas là un intérêt pour eux. De plus, les lois européennes ne permettent pas une telle démarche.

Un salon « Made In France »  a lieu chaque année où se retrouve près de 80 créateurs de mode pour promouvoir l’image et préserver la réputation du produit français.

Seulement, si aujourd’hui beaucoup pensent que le Made In France est une illusion, c’est aussi que l’industrie n’a pas d’avenir. Peu de clients et peu d’ouvriers. Les jeunes ne sont pas attirés par ces métiers et les formations sont intenses.  La France n’est pas la seule à être touchée par ce problème, l’Angleterre et l’Allemagne aussi. L’Espagne, le Portugal et l’Italie arrive encore à s’en tirer, mais pour combien de temps ? D’ailleurs, saviez-vous que 63% de la production de l’enseigne Zara est réalisée « à proximité » ? C’est à dire, en Espagne, Portugal, Italie, Roumanie, Turquie et Maroc… Cela dit, les conditions de travail ne sont pas toujours des plus exemplaires.

Comme pour l’écologie il y a quelques années, le Made In France ne semble être qu’un effet de mode, qui, hélas pour notre industrie et nos emplois, ne durera pas. D’ailleurs, depuis l’élection du président, on en entend déjà plus parler.

Acheter français ? Pour moi, en tout cas, ce n’est clairement pas un argument d’achat. Je trouve ça horriblement chauvin et affreusement dégradant envers les autres pays qui peuvent aussi produire des produits de qualité si on leur met des bons matériaux et des bonnes machines entre les doigts, il n’y a pas que les produits français qui sont de bons produits. Ça n’aide pas notre économie, certes, mais ça aide les autres, en particulier si nos usines sont en Pologne ou Roumanie, ça reste l’Union Européenne. Les produits de Givenchy sont la preuve du bon travail de nos voisins européens.

Acheter français comme acte citoyen, non, je préfère acheter un t-shirt 100% bio que 100% fabriqué en France, être éco-citoyenne est bien plus importante pour moi que de répondre à une démarche civique…

Quelques enseignes Made In France: Les chaussettes ArchiduchesseLe Slip Français, Chaussures Jaques & DemeterRue des créateurs Français.

Et si vous avez un doute, visitez le site HexaConso pour savoir d’ou vient vos produits 

Laisser un commentaire